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les deux vies du sultan mahmoud
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l’horizon n’étaient plus qu’un brasier fumant et flamboyant, d’où, avec les hurlements de l’épouvante, déferlaient vers la moyenne région de l’air des nuages noirs qui aveuglaient l’œil du soleil. Et un vent sauvage poussait les flammes et les cendres vers le palais même, qui bientôt se trouva enveloppé d’une mer de feu, dont il n’était plus séparé que par la nappe fraîche de ses jardins. Et le sultan, à la limite de la douleur de voir sa belle ville anéantie, laissa retomber ses bras, et s’écria : « Allah seul est grand ! Les choses ont leur destinée comme toutes les créatures ! Demain le désert rejoindra le désert à travers les plaines sans nom d’une terre qui fut illustre entre toutes ! Gloire au seul Vivant ! » Et il pleura sur sa ville et sur lui-même. Mais le cheikh referma aussitôt la fenêtre, et la rouvrit au bout d’un instant. Et toute trace d’incendie avait disparu. Et la ville du Caire s’étendait dans sa gloire intacte, au milieu de ses vergers et de ses palmes, tandis que les quatre cents voix des muezzins annonçaient l’heure de la prière aux Croyants et se confondaient dans une même élévation vers le Seigneur de l’univers.

Et le cheikh, emmenant aussitôt le roi, le conduisit vers la troisième fenêtre, qui donnait sur le Nil, et la lui fit ouvrir. Et sultan Mahmoud vit le fleuve qui débordait de son lit et dont les vagues, envahissant la ville et dépassant bientôt les terrasses les plus élevées, venaient battre avec furie contre les murailles du palais. Et une vague, plus forte que les précédentes, fit d’un coup s’écrouler tous les obstacles sur son passage et vint s’engouffrer dans l’é-