voulus lui raconter tout ce que j’avais souffert pour elle, quand nous entendîmes une rumeur grandissante dans la galerie. Et c’était le khalifat lui-même, qui venait voir sa favorite Pâte-d’Amandes, sœur de Gerbe-de-Perles. Et je n’eus que le temps de me lever et de sauter dans un grand coffre, qu’elles refermèrent sur moi, comme si de rien n’était.
Et le khalifat Al-Môtawakkil, ton grand-père, ô mon seigneur, entra dans l’appartement de sa favorite, et, ayant aperçu Gerbe-de-Perles, il lui dit : « Par ma vie, ô Gerbe-de-Perles, je me réjouis de te rencontrer aujourd’hui chez ta sœur Pâte-d’Amandes. Où donc étais-tu tous ces jours derniers, que je ne te voyais plus nulle part dans le palais, et que je n’entendais plus ta voix qui me plaît tellement ? » Et il ajouta, sans attendre de réponse : « Prends vite le luth que tu as délaissé et chante-moi quelque chose de passionné, en t’y accompagnant ! » Et Gerbe-de-Perles, qui savait le khalifat amoureux à l’extrême d’une jeune esclave nommée Benga, n’eut point de peine à trouver la chanson qu’il fallait ; car amoureuse elle-même, elle se laissa simplement aller au cours de ses sentiments, et, accordant son luth, elle s’inclina devant le khalifat, et chanta :
« Le bien-aimé que j’aime, — ah ! ah !
Sa joue duvetée — ô nuit !
Surpasse en douceur — ô les yeux !
La joue lavée des roses — ô nuit !
Le bien-aimé que j’aime, — ah ! ah !
Est un frais jouvenceau — ô nuit !
Dont l’amoureux regard — ah ! ah !