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les mille nuits et une nuit

temps de revenir sur mes pas, en sentant mon cœur soulevé d’émotion. Et, dans ma fuite à travers la galerie, j’entendais les voix des favorites qui, de l’intérieur, s’exclamaient, disant : « Par Allah, quelle chose étonnante ! voici l’émir des Croyants qui repasse pour la seconde fois aujourd’hui dans la galerie. Certainement c’est lui qui passa, il y a un moment, en déposant dans la soucoupe de chacune le grain de musc habituel. Et nous l’avons d’ailleurs reconnu au parfum de ses vêtements ! »

Et moi je continuai à fuir éperdument, et dus bientôt m’arrêter, ne pouvant aller plus loin dans la galerie sans risquer de donner l’éveil. Mais j’entendais toujours la rumeur de l’escorte, et voyais se rapprocher les flambeaux. Alors, ne voulant point, même au risque de mourir, être surpris dans cette posture et sous ce déguisement, je poussai la première porte qui s’offrit à ma main, et me précipitai à l’intérieur, oubliant que j’étais déguisé en khalifat, et tout ce qui s’en suit. Et je me trouvai en présence d’une jeune femme aux longs yeux effarés qui, se levant en sursaut des tapis où elle était étendue, poussa un grand cri de terreur et de confusion et, d’un geste rapide, releva le pan de sa robe de mousseline et s’en couvrit le visage et les cheveux.

Et moi je restai là, devant elle, assez hébété, assez perplexe, et souhaitant en mon âme, pour échapper à cette situation, que la terre s’entr’ouvrît à mes pieds afin d’y disparaître. Ah ! cela, certes, je me le souhaitais ardemment et, en outre, je maudissais la confiance inconsidérée que j’avais eue en ce petit eunuque de perdition qui, à n’en