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les mille nuits et une nuit

sut que penser de ma manière de faire : mais me regardant avec stupéfaction, il me dit : « Ô mon maître, tu es habillé comme un marchand, et tu es loin d’en avoir les manières. D’ordinaire un marchand regarde à la dépense et ne sort un drachme que s’il est sûr d’en gagner dix. Et toi, pour un travail insignifiant, tu me donnes le prix d’une robe d’émir ! » Puis il ajouta : « Il n’y a que les amoureux pour être si magnifiques ! Par Allah sur toi, ô mon maître, serais-tu amoureux ? » Je répondis, en baissant les yeux : « Comment ne le serais-je pas, après avoir vu ce que j’ai vu ? » Il me demanda : « Et qui est l’objet de tes tourments ? Est-ce un jeune faon ou une gazelle ? » Je répondis : « Une gazelle ! » Il me dit : « Il n’y a pas d’inconvénient. Et me voici prêt, ô mon maître, à te servir de guide, si sa demeure est ce palais, puisque c’est une gazelle, et qu’ici se trouvent les plus belles variétés de cette espèce ! » Je dis : « Oui, c’est ici qu’elle habite ! » Il dit : « Et quel est son nom ? » Je dis : « Allah seul le connaît, et toi-même peut-être ! » Il dit : « Dépeins-la-moi, alors. » Et je la lui dépeignis du mieux que je pus, et il s’écria : « Hé, par Allah, c’est notre maîtresse Gerbe-de-Perles, la luthière de l’émir des Croyants Al-Môtawakkil Ala’llah ! » Et il ajouta : « Voici précisément son petit eunuque qui s’avance de notre côté. Toi, ô mon maître, ne laisse pas échapper l’occasion de le séduire pour en faire ton introducteur auprès de sa maîtresse Gerbe-de-Perles ! »

Et effectivement, ô émir des Croyants, je vis entrer chez le tailleur un tout jeune esclave blanc, aussi