Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
les mille nuits et une nuit

arriver jusqu’à elle. Et, plein de ce projet, j’allai à la maison, et entrai dans l’appartement de ma mère, qui m’aimait de toute sa tendresse, et lui racontai, sans lui rien cacher, ce qui survenait dans ma vie. Et ma mère, épouvantée, me serra contre son cœur, et me dit : « Qu’Allah te sauvegarde, ô mon enfant, et préserve ton âme de la complication ! Ah ! mon fils Abou’l Hassân, unique attache de ma vie, où vas-tu risquer ton repos et le mien ? Si cette jeune fille habite le palais de l’émir des Croyants, comment peux-tu t’obstiner à vouloir la rencontrer ! Ne vois-tu pas l’abîme où tu cours, en osant te diriger, ne fût-ce que par la pensée, du côté de la demeure de notre maître le khalifat ? Ô mon fils, je te supplie, par les neuf mois durant lesquels j’ai couvé ta vie, d’abandonner le projet de revoir cette inconnue, et de ne pas laisser en ton cœur s’imprimer une passion funeste ! » Et je répondis, essayant de la tranquilliser : « Ô mère mienne, apaise ton âme chérie et rafraîchis tes yeux. Rien n’arrivera que ce qui doit arriver. Et ce qui est écrit doit courir. Et Allah est le plus grand ! »

Et, le lendemain, étant allé à ma boutique du souk des joailliers, je reçus la visite de mon représentant qui dirigeait les affaires de ma boutique du souk des droguistes. Et c’était un homme d’âge, en qui mon défunt père avait une confiance illimitée, et qu’il consultait pour toutes les affaires difficiles ou compliquées. Et, après les salams et souhaits d’usage, il me dit : « Ya sidi, pourquoi ce changement que je vois dans ta physionomie, et cette pâleur de teint et cet air soucieux ? Qu’Allah nous pré-