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les mille nuits et une nuit

vée comme une vague de la mer, cessa de danser. Et elle se tourna vers l’esclave Abdallah qui, à un nouveau signe de sourcil, lui jeta, de sa place, le tambour. Et elle l’attrapa au vol et, le retournant, elle s’en servit comme d’une sébile pour aller le tendre aux trois spectateurs et solliciter, selon la coutume des almées et des danseuses, leur libéralité. Et Ali Baba, qui, bien qu’un peu formalisé de l’action inattendue de sa servante, s’était laissé gagner par tant de charme et tant d’art, jeta un dinar d’or dans le tambour. Et Morgane le remercia d’une profonde révérence et d’un sourire, et tendit le tambour au fils d’Ali Baba, qui ne fut pas moins généreux que son père.

Alors, tenant toujours le tambour de la main gauche, elle le présenta à l’hôte qui n’aimait pas le sel. Et hagg Hussein tira sa bourse et se disposait à y puiser quelque argent pour le donner à la si désirable danseuse, quand soudain Morgane, qui avait reculé de deux pas, puis bondi en avant comme un chat sauvage, lui enfonça dans le cœur, jusqu’à la lamelle de garde, le poignard brandi de la main droite. Et hagg Hussein, les yeux soudain rentrés dans leurs orbites, ouvrit la bouche et la referma, en poussant à peine un demi-soupir, puis s’affaissa sur le tapis, sa tête précédant ses pieds, et déjà corps sans âme.

Et Ali Baba et son fils, à la limite de l’épouvante et de l’indignation, s’élancèrent vers Morgane qui, bien que tremblante d’émotion, essuyait sur son écharpe de soie le poignard ensanglanté. Et, comme ils la croyaient prise de délire et de folie, et qu’ils lui saisissaient la main pour lui en arracher