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les mille nuits et une nuit

vidant le contenu de la jarre. Et comme le feu flambait fort, l’huile ne tarda pas à entrer en ébullition.

Alors Morgane remplit le plus grand seau de l’écurie de cette huile bouillante, s’approcha de l’une des jarres, en souleva le couvercle et, d’un seul coup, versa le liquide exterminateur sur la tête, qui sortait. Et le bandit propriétaire de la tête fut irrévocablement échaudé, et avala la mort avec le cri qui ne sortit pas.

Et Morgane, d’une main sûre, fit subir le même sort à tous les enfermés dans les jarres, qui moururent étouffés et bouillis, car nul homme, fût-il enfermé dans une jarre à sept parois, ne saurait échapper à la destinée attachée à son cou.

Or, son exploit accompli, Morgane éteignit le feu sous la chaudière, reboucha les jarres avec les couvercles en fibres de palmier, et revint dans la cuisine où, soufflant la lanterne, elle resta dans l’obscurité, résolue à surveiller la suite de l’affaire. Et, postée de la sorte à l’affût, elle n’attendit pas longtemps.

En effet, vers le milieu de la nuit, le marchand d’huile s’éveilla, vint mettre la tête à la fenêtre qui donnait sur la cour, et, ne voyant aucune lumière nulle part, et n’entendant aucun bruit, il jugea que toute la maison devait être plongée dans le sommeil. Alors, selon ce qu’il avait dit à ses hommes, il prit des petits cailloux qu’il avait sur lui, et les lança l’un après l’autre sur les jarres. Et, comme il avait l’œil sûr et la main habile, il atteignit le but à chaque coup : ce dont il jugea par le son rendu par la jarre