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histoire d’ali baba…
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lumière ! » Et le derviche-voleur, en entendant ces mots, faillit s’envoler de joie, et bénit sa destinée qui le conduisait par le plus court chemin au but souhaité. Aussi ne laissa-t-il pas échapper l’occasion, et, feignant l’étonnement, il s’écria : « Ô visage de bénédiction, les six quartiers d’un mort ? Que veux-tu dire par ces mots ? Est-ce que c’est par hasard l’habitude, dans ce pays, de couper les morts en six quartiers, puis de les recoudre ? Et agit-on de la sorte pour voir ce qu’il y a dedans ? » Et cheikh Mustapha, à ces paroles, se mit à rire, et répondit : « Non par Allah ! ce n’est pas l’habitude ici. Mais je sais ce que je sais, et ce que je sais nul ne le saura ! J’ai pour cela plusieurs raisons toutes plus sérieuses les unes que les autres ! Et d’ailleurs ma langue est courte ce matin et n’obéit pas au jeu de ma mémoire ! » Et le derviche-voleur se mit à rire à son tour, tant à cause de l’air avec lequel le cheikh savetier prononçait ces sentences, que pour se rendre favorable le bon homme. Puis, faisant semblant de lui serrer la main, il y glissa une pièce d’or, et ajouta : « Ô fils des hommes éloquents, ô oncle, qu’Allah me garde de vouloir me mêler de ce qui ne me regarde pas. Mais si, en ma qualité d’étranger qui aime à se renseigner, j’ai une prière à t’adresser, ce serait de me faire la grâce de me dire où se trouve la maison dans la cave de laquelle il y avait les six quartiers du mort que tu as raccommodé. » Et le vieux savetier répondit : « Et comment le pourrais-je, ô chef des derviches, puisque je ne la connais pas moi-même, cette maison-là. Sache, en effet, que j’y ai été les yeux bandés, conduit par une jeune fille ensor-