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histoire d’ali baba…
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… il en conçut une jalousie bilieuse et sentit éclater de dépit sa poche à fiel. Et il se leva à l’heure et à l’instant, et courut chez son frère voir par ses propres yeux ce qu’il y avait à voir.

Et il trouva Ali Baba qui avait encore sa pioche à la main, ayant fini d’enfouir son or. Et, l’abordant sans lui donner le salam et sans l’appeler par son nom ni par son prénom et même sans le traiter de frère, car il avait oublié cette proche parenté depuis qu’il avait épousé le riche produit de l’entremetteuse, il lui dit : « Ah, c’est comme ça, ô père des ânes, que tu fais le réservé et le cachottier avec nous ! Oui, continue à simuler la pauvreté et la misère et à faire le gueux devant les gens, pour, dans ton gîte à poux et à punaises, mesurer l’or comme le grainetier son grain ! »

En entendant ces paroles, Ali Baba fut à la limite du trouble et de la perplexité, non point qu’il fût avare ou intéressé, mais parce qu’il redoutait la méchanceté et l’avidité d’œil de son frère et de l’épouse de son frère, et il répondit : « Par Allah sur toi ! je ne sais trop à quoi tu fais allusion. Hâte-toi plutôt de t’expliquer, et je ne manquerai pas de franchise à ton égard ni de bons sentiments, bien que depuis des années et des années tu aies oublié le lien du sang et que tu détournes ton visage du mien et de celui de mes enfants ! »

Alors l’impérieux Kassim dit : « Il ne s’agit pas de tout cela, Ali Baba ! Il s’agit seulement de ne pas feindre avec moi l’ignorance, car je sais ce que tu as intérêt à me tenir caché ! » Et, lui montrant le dinar d’or encore enduit de suif, il lui dit en le regar-