Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/290

Cette page a été validée par deux contributeurs.
282
les mille nuits et une nuit

sous lui, et dit : « Écoute-moi maintenant, ô femme ! » Et il lui fit le récit de son aventure depuis le commencement jusqu’à la fin, sans omettre un détail. Mais il n’y a point d’utilité à la répéter.

Lorsque l’épouse d’Ali Baba eut entendu le récit de l’aventure, elle sentit l’épouvante faire place dans son cœur à une grande joie, et elle se dilata et s’épanouit, et dit : « Ô jour de lait, ô jour de blancheur ! Louanges à Allah qui a fait entrer dans notre demeure les biens mal acquis de ces quarante bandits coupeurs de routes, et qui a rendu de la sorte licite ce qui était illicite. Il est le Généreux, le Rétributeur ! »

Et elle se leva à l’heure et à l’instant, et s’assit sur ses talons devant le tas d’or, et se mit en devoir de compter un par un les innombrables dinars. Mais Ali Baba se mit à rire et lui dit : « Que fais-tu là, ô pauvre ? Comment peux-tu songer à compter tout cela ? Lève-toi plutôt, et viens m’aider à creuser une fosse dans notre cuisine, pour enfouir au plus vite tout cet or, et faire ainsi disparaître ses traces. Sinon nous risquons fort d’attirer sur nous la cupidité des voisins et des officiers de police ! » Mais l’épouse d’Ali Baba, qui aimait l’ordre en toute chose, et qui tenait à se faire une idée exacte sur la quantité des richesses qui leur entraient en ce jour béni, répondit : « Non certes, je ne veux pas m’attarder à compter cet or. Mais je ne puis le laisser enfouir sans l’avoir au moins pesé ou mesuré. C’est pourquoi je te supplie, ô fils de l’oncle, de me donner le temps d’aller chercher une mesure en bois dans le voisinage. Et je le mesurerai pendant que tu creuseras la fosse.