Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de gerbe-de-perles
21

était une corolle de pourpre qui s’ouvrait sur deux rangs humides de grêlons. Et moi je répondis, en me levant en son honneur : « Oui, ô ma maîtresse, c’est la boutique de ton esclave. » Et mes amis, par discrétion, se levèrent tous et s’en allèrent.

Alors la jouvencelle entra dans la boutique, ô émir des Croyants, en traînant ma raison derrière sa beauté. Et elle s’assit comme une reine sur le divan, et me demanda : « Et où est-il ? » Je répondis, mais tout de travers, tant ma langue fourchait d’émotion : « C’est moi-même, ya setti. » Et elle sourit du sourire de sa bouche et me dit : « Dis alors à ton employé que voici de me compter trois cents dinars d’or. » Et moi, à l’instant, je me tournai vers mon premier garçon de comptoir et lui donnai l’ordre de peser trois cents dinars et de les remettre à cette dame surnaturelle. Et elle prit le sac d’or que lui remettait mon employé, et, se levant, elle s’en alla, sans un mot de remerciement ni un geste d’adieu. Et, certes ! ô émir des Croyants, ma raison ne put faire autrement que de continuer à la suivre, attachée à ses pas.

Or, quand elle eut disparu, mon employé me dit respectueusement : « Ô mon maître, au nom de qui dois-je écrire la somme avancée ? » Je répondis : « Eh ! comment le saurais-je, ô un tel ? Et depuis quand les humains inscrivent-ils sur leurs livres de comptes les noms des houris ? Si tu le veux, inscris : « Avancé la somme de trois cents dinars à la Subtilisatrice-des-Cœurs. »

Lorsque mon premier garçon de comptoir eut entendu ces paroles, il se dit : « Par Allah ! mon maître qui est d’ordinaire si mesuré n’agit avec