Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/289

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire d’ali baba…
281

s’associer à des voleurs ou autres gens semblables, sinon comment s’expliquer la présence de tant de sacs pesants de monnaie ? Aussi, quand tous les sacs furent portés à l’intérieur, elle ne put davantage se retenir, et, éclatant soudain, elle se mit à se frapper les joues de ses deux mains, et à se déchirer les habits, en s’écriant : « Ô notre calamité ! Ô perte sans recours de nos enfants ! Ô potence ! »

En entendant les cris et les lamentations de son épouse, Ali Baba fut à la limite de l’indignation et lui cria : « Potence dans ton œil, ô maudite ! Qu’as-tu à ululer ainsi de travers ? Et pourquoi veux-tu attirer sur nos têtes le châtiment des voleurs ? » Elle dit : « Le malheur va entrer dans la maison avec ces sacs de monnaie, ô fils de l’oncle. Par ma vie sur toi, hâte-toi de les remettre sur le dos des ânes et de les transporter loin d’ici. Car mon cœur n’est pas tranquille de les savoir dans notre maison ! » Il répondit : « Allah confonde les femmes dénuées de jugement ! Je vois bien, ô fille de l’oncle, que tu t’imagines que j’ai volé ces sacs ! Eh bien, détrompe-toi et rafraîchis tes yeux, car ils nous viennent du Rétributeur, qui m’a fait rencontrer ma destinée aujourd’hui dans la forêt. D’ailleurs je vais te raconter comment s’est faite cette rencontre, mais pas avant que j’aie vidé ces sacs, pour t’en montrer le contenu. »

Et Ali Baba, prenant les sacs par un bout, les vida, l’un après l’autre, sur la natte. Et des masses d’or s’écroulèrent sonores, en lançant des feux par milliers dans la pauvre chambre du bûcheron. Et Ali Baba, triomphant de voir sa femme éblouie de ce spectacle, s’assit sur le tas d’or, ramena ses jambes