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les mille nuits et une nuit

à leur visage. Et voilà ce que c’est que d’être sot dans le jeune âge et d’oublier les conseils des sages !

Mais bientôt l’aîné, qui était Kassim, se voyant en train de fondre d’inanition dans sa peau, se mit en quête d’une situation lucrative. Et, comme il était avisé et plein de rouerie, il ne tarda pas à faire la connaissance d’une entremetteuse — éloigné soit le Malin ! — qui, après avoir mis à l’épreuve ses facultés de monteur et ses vertus de coq sauteur et sa puissance de copulateur, le maria à une adolescente qui avait bon gîte, bon pain et muscles parfaits, et qui était une excellente chose, tout à fait. Béni soit le Rétributeur ! Et il eut, de la sorte, outre la jouissance de son épouse, une boutique bien garnie dans le centre du souk des marchands. Car telle était la destinée écrite sur son front, dès sa naissance. Et voilà pour lui !

Quant au second, qui était Ali Baba, voici ! Comme, de sa nature, il était dénué d’ambition, avait des goûts modestes, se contentait de peu et n’avait point l’œil vide, il se fit coupeur de bois, et se mit à mener une vie de pauvreté et de labeur. Mais il sut, malgré tout, vivre avec tant d’économie, grâce aux leçons de la dure expérience, qu’il put mettre de côté quelque argent qu’il employa sagement à s’acheter un âne, puis deux ânes, puis trois ânes. Et il se mit à les conduire tous les jours avec lui dans la forêt, et à les charger des bûches et des fagots qu’il était auparavant obligé de porter sur son dos.

Or, devenu de la sorte propriétaire de trois ânes, Ali Baba inspira une telle confiance aux gens de sa corporation, tous de pauvres bûcherons, que l’un