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la malice des épouses (le chef-clarinette)
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seconde épouse sur la première, de façon qu’ayant deux femmes l’une à côté de l’autre, il pût les sauvegarder l’une par l’autre, et les faire se prémunir mutuellement contre les embûches de son fils. Et il choisit une seconde épouse, plus belle et plus jeune encore, et la mit avec la première. Et il cohabita avec chacune d’elles, alternativement.

Or, le jeune gaillard, ayant compris l’expédient de son père, se dit : « Hé, par Allah ! j’aurai la bouchée double, maintenant. » Mais il lui était bien difficile de réaliser son projet ; car le père, chaque fois qu’il était obligé de sortir, avait pris l’habitude de dire à ses deux jeunes épouses : « Gardez-vous bien contre les tentatives de mon fils, ce garnement. Car c’est un débauché insigne qui trouble ma vie, et qui m’a déjà forcé à divorcer d’avec trois épouses, avant vous autres. Prenez garde ! prenez garde ! » Et les deux adolescentes répondaient : « Ouallahi, si jamais il tentait le moindre geste sur nous, ou s’il nous disait la moindre parole inconvenante, nous lui claquerions la figure avec nos babouches ! » Et le vieux insistait, disant : « Prenez garde ! prenez garde ! » Et elles répondaient : « Nous sommes sur nos gardes ! nous sommes sur nos gardes ! » Et le garnement se disait : « Par Allah, nous verrons bien si elles me claqueront la figure avec leurs babouches, nous verrons bien ! »

Or, un jour, la provision de blé de la maison étant épuisée, le vieux dit à son fils : « Allons au marché du blé, en acheter un sac ou deux. » Et ils sortirent ensemble, le père marchant devant son fils. Et les deux épouses, pour les voir partir, montèrent sur la terrasse de la maison.