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les mille nuits et une nuit

suis, comme on pourrait le supposer, ni un fils de roi, ni un chérif, ni un fils de vizir, ni quoi que ce soit qui approche de près ou de loin de la noblesse de naissance. Mais mon histoire est une histoire si étrange que si elle était écrite avec les aiguilles sur le coin intérieur de l’œil, elle servirait d’enseignement à qui la lirait avec respect et attention. Car, bien que je ne sois point noble, fils de noble, ni d’une famille anoblie, je crois pouvoir, sans mentir, affirmer à mon seigneur que, s’il veut bien incliner vers moi son ouïe, cette histoire le satisfera et fera tomber sa colère accumulée contre l’esclave qui lui parle. »

Et Abou’l Hassân s’arrêta un instant de parler, rassembla ses souvenirs, les précisa dans sa pensée, et continua de la sorte :

« Je suis né à Baghdad, ô émir des Croyants, d’un père et d’une mère qui n’avaient que moi pour toute postérité. Et mon père était un simple marchand du souk. Il est vrai toutefois que c’était le plus riche d’entre les marchands et le plus respecté. Et il n’était pas marchand dans un souk seulement, mais il avait dans chaque souk une boutique qui était la plus belle, aussi bien dans le souk des changeurs que dans celui des droguistes et que dans celui des marchands d’étoffes. Et il avait, dans chacune de ses boutiques, un représentant habile aux opérations de vente et d’achat. Et il possédait, donnant sur chaque arrière-boutique, un appartement privé où il pouvait, à l’abri des allées et venues, se mettre à son aise à l’époque des chaleurs, et faire la sieste, tandis que pour le rafraîchir, durant son sommeil, un esclave