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la malice des épouses
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Alors le bouffon les mena en la présence du sultan et dit : « Ô mon maître souverain, permets à ton esclave de te présenter les quatre saints personnages que voici ! Ce premier, qui est enfariné, est notre seigneur Job le lépreux ; et celui-ci, qui porte sur son dos cette botte de légumes, est notre seigneur Khizr, le gardien des sources, le père de la verdure ; et celui-ci, qui porte sur ses épaules cette peau de bête qui le coiffe de deux cornes, est le grand roi guerrier Iskandar aux deux cornes ; et ce dernier enfin, qui tient à la main une clarinette, est notre seigneur Israfil, l’annonciateur du Jugement dernier. » Et il ajouta, pendant que le sultan était à la limite de l’étonnement : « Or, ô mon seigneur le sultan, je dois le grand honneur de la visite de ces personnages sublimes à l’insigne sainteté de l’épouse que tu m’as généreusement octroyée. Je les ai trouvés, en effet, accroupis, en bon ordre, l’un derrière l’autre, dans les cabinets de mon harem intérieur ; et le premier accroupi était le prophète Job — sur lui la prière et la paix ! — et le dernier accroupi était l’ange Israfil — sur lui la paix et les faveurs du Très-Haut ! »

En entendant ces paroles de son bouffon, le sultan regarda avec attention les quatre personnages en question ; et soudain il fut pris d’un tel rire, qu’il entra en convulsion et se trémoussa et battit l’air de ses jambes en se renversant sur son derrière. Après quoi il s’écria : « Tu veux donc, ô perfide, me faire mourir de rire ! Ou bien es-tu devenu fou ? » Et le bouffon dit : « Par Allah, ô mon seigneur, ce que je te raconte est ce que j’ai vu, et tout ce que j’ai vu je te l’ai raconté ! » Et le roi, riant, s’écria : « Mais ne