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les mille nuits et une nuit

gouvernée par un esprit. Et si tu me demandes ce que c’est qu’un esprit, je te dirai que c’est un rayon ou une émanation des vertus de la toute-puissance et des attributs du Très-Haut. Et les esprits qui résident dans le monde intelligible, commandent à ceux qui habitent le monde céleste, et les esprits qui habitent le monde céleste commandent à ceux du monde sublunaire. Et les lettres forment les mots, et les mots composent les oraisons ; et ce ne sont que les esprits représentés par les lettres et assemblés dans les oraisons écrites sur les talismans qui font ces prodiges qui étonnent les hommes ordinaires, mais ne troublent point les sages, qui n’ignorent point la puissance des mots et savent que les mots gouverneront toujours le monde, et que les paroles écrites ou proférées pourront renverser les rois et ruiner leurs empires ! »

En entendant cette réponse de l’adolescent, que la foule avait accueillie avec des exclamations de joie et d’étonnement, la princesse dit : « Tu as excellé, ô jeune homme, à m’expliquer la puissance des mots et des paroles, qui gouvernent le monde et sont plus puissants que tous les rois. Mais je ne sais pas si tu vas pouvoir répondre à la question que voici ! Sauras-tu, en effet, me dire quels sont les deux ennemis éternels ? »

Et l’adolescent, sur son cheval, répondit : « Ô princesse, je ne dirai pas que les deux ennemis éternels sont le ciel et la terre, car la distance qui les sépare n’est point une distance réelle, et l’intervalle qui se creuse entre eux n’est point un intervalle réel, car cette distance et cet intervalle, qui paraissent être des