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histoire de gerbe-de-perles
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Ibn-Hamdoun leva les yeux vers le khalifat, pour juger sur son visage de l’effet produit par les vers. Mais, au lieu de la satisfaction qu’il s’attendait à y voir, il y remarqua une telle expression de contrariété et de colère concentrée, qu’il laissa tomber de sa main la coupe pleine de vin. Et il trembla en son âme, et se serait cru perdu sans recours, s’il n’avait également remarqué que le khalifat n’avait pas l’air d’avoir entendu les vers récités, et s’il ne lui avait vu les yeux égarés et comme perdus dans la résolution d’un problème insondable. Et il se dit : « Par Allah ! il y a un instant, son visage était épanoui, et le voilà maintenant noir de contrariété et tel que jamais je ne lui en ai vu d’aussi orageux. Et pourtant, habitué comme je le suis à lire ses pensées d’après l’expression de ses traits, et à deviner ses sentiments, je ne sais trop à quoi attribuer ce changement subit ! Qu’Allah éloigne le Malin, et nous préserve de ses maléfices ! »

Et, comme il se torturait de la sorte l’esprit pour arriver à pénétrer le motif de cette colère, le khalifat soudain lança à son hôte un regard chargé de méfiance, et, contrairement à toutes les règles de l’hospitalité, et en dépit de la coutume qui veut que jamais l’hôte et l’invité ne s’interrogent sur leurs noms et qualités, il demanda au maître du lieu d’une voix qui se contenait d’éclater : « Qui es-tu, ô homme ? » Et l’hôte, devenu soudain, à cette question, bien changé de teint et mortifié à l’extrême, ne voulut point pourtant se refuser à répondre, et dit : « On me nomme communément Abou’l Hassân Ali ben-Ahmad Al-Khorassani. » Et