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les mille nuits et une nuit

crottes sur les dalles de marbre, et y mit le feu. Et dès que s’éleva la fumée, elle se mit à marmonner sur le feu des paroles inconnues, en traçant dans l’air des signes magiques.

Et voici ! la fumée des crottes brûlées qui remplit bientôt l’appartement affecta mes yeux d’une manière si insupportable qu’ils se remplirent d’eau, et que je fus obligé de les essuyer à plusieurs reprises avec le bas de ma robe. Et je ne réfléchis pas, ô mon seigneur, que, par cette manœuvre, j’enlevais, au fur et à mesure, le kohl dont les vertus me rendaient invisible et dont, dans mon imprévoyance, j’avais oublié d’emporter une bonne quantité avant la mort de mon maître.

Et, effectivement, j’entendis soudain les trois femmes pousser trois cris simultanés d’épouvante, en dirigeant leur doigt de mon côté : « Voici l’éfrit ! voici l’éfrit ! voici l’éfrit ! » Et elles appelèrent à leur secours les eunuques, qui aussitôt envahirent la chambre et se jetèrent sur moi et voulurent me tuer. Mais je leur criai de ma voix la plus terrible : « Si vous me faites le moindre mal, j’appellerai à mon aide mes frères les genn qui vous extermineront, et feront crouler ce palais sur la tête de ses habitants ! » Alors ils eurent peur, et se contentèrent de me garrotter. Et la vieille me cria : « Mes cinq doigts gauches dans ton œil droit, et mes cinq autres doigts dans ton œil gauche ! » Et je lui dis : « Tais-toi, ô sorcière maudite, ou j’appelle mes frères les genn, qui feront entrer ta longueur dans ta largeur ! » Alors elle eut peur et se tut. Mais ce fut pour s’écrier, au bout d’un moment : « Puisque celui-ci est un éfrit,