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histoire de l’adultérin… (troisième fou)
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deux anciens compagnons de chaîne, sachez que mon histoire n’a aucun rapport avec celles qui viennent d’être racontées, car si mes deux compagnons ont été entrepris par des adolescentes, moi, ce fut tout autre chose. Et, du reste, vous allez contrôler mon dire par votre propre jugement.

Donc, ô mes seigneurs, j’étais encore enfant lorsque mon père et ma mère trépassèrent dans la miséricorde du Rétributeur. Et je fus recueilli par les voisins miséricordieux, des pauvres comme nous, qui, n’ayant point le nécessaire, ne pouvaient faire les frais de mon instruction, et me laissaient vagabonder dans les rues, tête nue et jambes nues, et n’ayant pour tout vêtement que la moitié d’une chemise en cotonnade bleue. Et je ne devais pas être repoussant à regarder, car les passants qui me voyaient cuire au soleil s’arrêtaient souvent pour s’exclamer : « Qu’Allah préserve cet enfant du mauvais œil ! Il est aussi beau qu’un morceau de lune. » Et, des fois, quelques-uns d’entre eux m’achetaient de la halawa aux pois chiches ou du caramel jaune et pliant, de celui qu’on tire comme une ficelle, et, en me le donnant, ils me tapaient sur la joue, ou me frottaient la tête, ou me tiraient amicalement le toupet que j’avais juste sur le sommet de mon crâne rasé. Et moi, j’ouvrais une bouche énorme, et avalais d’une happée toute la friandise. Ce qui faisait s’exclamer d’admiration tous ceux qui me regardaient et ouvrir des yeux d’envie aux petits gamins qui jouaient avec moi. Et j’arrivai de la sorte à avoir douze ans d’âge.

Or, un jour d’entre les jours, j’étais allé avec mes