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les mille nuits et une nuit

vive, incarnadine, veloutée, fraîche, virginale, immaculée, éblouissante. Et, dans sa corolle, elle contenait de pourpre ce qu’il en faut pour la tunique d’un roi. Quant à son odeur, elle faisait s’entr’ouvrir d’une bouffée les éventails du cœur, disait à l’âme : « Enivre-toi ! » et prêtait des ailes au corps, lui disant : « Envole-toi ! »

Et la seconde fleur était une tulipe, droite sur sa tige et toute seule, non pas une tulipe de quelque parterre royal, mais la tulipe ancienne, arrosée du sang des dragons, celle dont la race abolie fleurissait dans Iram-aux-Colonnes, et dont la couleur disait à la coupe pleine de vieux vin : « J’enivre sans que les lèvres me touchent ! » et au tison enflammé : « Je brûle mais ne me consume pas ! »

Et la troisième fleur était une hyacinthe, droite sur sa tige et toute seule, non pas celle des jardins, mais l’hyacinthe mère des lys, celle d’un blanc pur, la délicate, l’odorante, la fragile, la candide hyacinthe qui disait au cygne sortant de l’eau : « Je suis plus blanche que toi ! »

Et la quatrième fleur était un œillet incliné sur sa tige et tout seul, non pas, oh ! non pas l’œillet des terrasses qu’au soir les jeunes filles arrosent, mais un globe incandescent, une parcelle du soleil effondré à l’occident, un flacon d’odeur renfermant l’âme volatile des poivres, l’œillet même dont le frère fut offert par le roi des genn à Soleïmân, pour qu’il en ornât la chevelure de Balkis, et qu’il en préparât l’Élixir de longue vie, le Baume spirituel, l’Alcali royal et la Thériaque.

Et l’eau du bassin, d’être seule à toucher, ne fut--