Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
les mille nuits et une nuit

tant de notre rencontre et noircisse ton visage à jamais, ô débauchée ! » Mais elle, sans paraître autrement émue, répondit en souriant : « Hé quoi, ô timbale, as-tu donc oublié tes torts à mon égard, et ton mépris à l’égard de mon ode en vers, et le mauvais traitement que tu as fait subir à ma messagère, la petite négresse, et les injures que tu lui as adressées, et le coup de pied dont tu l’as gratifiée, et les injures que tu m’as envoyées par son entremise ? » Et, ayant ainsi parlé, l’adolescente ramassa ses voiles et se leva pour partir.

Mais moi, ô mon seigneur, je compris alors que je n’avais récolté que ce que j’avais semé, et je sentis tout le poids de ma brutalité passée, et combien la vertu maussade était une chose de tous points haïssable, et l’hypocrisie de la piété une chose détestable. Et, sans plus tarder, je me jetai aux pieds de l’adolescente du parfait amour, et la suppliai de me pardonner, en lui disant : « Je suis pénitent ! je suis pénitent ! je suis, en vérité, tout à fait pénitent ! » Et je lui dis des paroles aussi douces et aussi attendrissantes que les gouttes de pluie dans un désert brûlant. Et je finis par la décider à rester ; et elle daigna m’excuser, et me dit : « Pour cette fois, je veux bien te pardonner, mais ne recommence pas ! » Et je m’écriai, en lui baisant le bas de sa robe, et en m’en couvrant le front : « Ô ma maîtresse, je suis sous ta sauvegarde, et je suis ton esclave qui attend sa délivrance de ce que tu sais, par ton entremise ! » Et elle me dit, en souriant : « J’y ai déjà pensé. Et de même que j’ai su te prendre dans mes filets, de même je saurai t’en délivrer ! » Et je