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les mille nuits et une nuit

meiller quelque peu. Après quoi, je m’en retournai à ma boutique, et je m’y assis avec ma tête prise de vertige, ivre sans avoir bu du vin.

Et aussitôt mes amis et les marchands qui me connaissaient, et les particuliers les plus distingués du souk, commencèrent à se rendre auprès de moi, les uns séparément et les autres deux par deux, ou trois par trois, ou plusieurs à la fois, et ils venaient pour me féliciter et m’offrir leurs vœux. Et ils me disaient : « Une bénédiction ! une bénédiction ! une bénédiction ! Que la joie soit avec toi ! que la joie soit avec toi ! » Et d’autres me disaient : « Hé, notre voisin, nous ne vous savions pas si parcimonieux ! Où est le festin, où sont les friandises, où sont les sorbets, où sont les pâtisseries, où sont les plateaux de halawa, où est telle chose, et où est telle autre chose ? Par Allah, nous pensons que les charmes de l’adolescente, ton épouse, t’ont troublé la cervelle et fait oublier tes amis et perdre la mémoire de tes obligations élémentaires ! Mais qu’à cela ne tienne ! Et que la joie soit avec toi ! que la joie soit avec toi ! »

Et moi, ô mon seigneur, ne pouvant trop me rendre compte s’ils se moquaient de moi ou s’ils me félicitaient réellement, je ne savais quelle contenance prendre, et je me contentais de faire quelques gestes évasifs, et de répondre par quelques paroles sans portée. Et je sentais mon nez qui se bourrait de rage concentrée, et mes yeux prêts à fondre en larmes de désespoir.

Et mon supplice avait duré de la sorte depuis le matin jusqu’à l’heure de la prière de midi, et la plu-