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les mille nuits et une nuit

« Je suis étonnée, ô jeune homme ! Car, chez moi, si souvent on m’avait confirmée dans cette opinion désavantageuse sur moi-même ! Quoi qu’il en soit, puisque tu ne peux me trouver de ceinture, j’espère qu’il ne te sera pas impossible de me trouver des boucles d’oreilles et un frontal d’or pour retenir mes cheveux ! » Et, ce disant, elle souleva elle-même son petit voile de visage, et fit apparaître à mes yeux son visage qui était la pleine lune marchant vers sa quatorzième nuit. Et moi, à la vue de ces deux pierres précieuses qu’étaient ses yeux babyloniens, et de ses joues d’anémone, et de sa petite bouche, étui de corail contenant un bracelet de perles, et de tout ce visage émouvant, je m’arrêtai de respirer et ne pus faire un mouvement pour chercher ce qu’elle me demandait. Et elle sourit et me dit : « Je comprends, ô jeune homme, que tu sois ému de ma laideur. Je sais, en effet, pour me l’être entendu répéter bien des fois, que mon visage est d’une hideur effroyable, criblé de trous de petite vérole et parcheminé, que je suis borgne de l’œil droit et louche de l’œil gauche, que j’ai un nez mamelonné et hideux, et une bouche fétide avec des dents déchaussées et branlantes, et qu’enfin je suis mutilée et bretaudée quant à mes oreilles. Et je ne parle pas de ma peau qui est galeuse, ni de mes cheveux qui sont effilochés et cassants, ni de toutes les horreurs invisibles de mon intérieur ! » Et moi je m’écriai : « Le nom d’Allah sur toi et autour de toi et sur toute ta beauté visible, ô ma maîtresse, et sur ta beauté invisible, ô revêtue de splendeur, et sur ta pureté, ô fille des lys, et sur ton odeur, ô rose, et sur ton éclat et sur ta blancheur, ô jasmin,