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histoire de l’adultérin… (deuxième fou)
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que mes formes cachées ? » Et elle ajouta : « Soit ! mais, puisque tu n’oses, ô jeune homme, m’essayer ces colliers, d’or et ces pectoraux, pourrais-tu du moins m’essayer des ceintures ? » Et moi, lui ayant apporté ce que j’avais de plus souple et de plus léger comme ceintures en filigrane d’or, je les déposai à ses pieds, discrètement. Mais elle me dit : « Mais non ! mais non ! par Allah, essaie-les-moi donc, toi-même ! » Et moi, ô mon seigneur le sultan, je ne pus que répondre par l’ouïe et l’obéissance, et, devinant d’avance quelle pouvait être la finesse de cette gazelle, je choisis la plus petite et la plus étroite des ceintures, et, par-dessus ses robes et ses voiles, je lui en ceignis la taille. Mais cette ceinture, confectionnée sur commande pour une princesse enfant, se trouva trop large pour cette taille si fine qu’elle ne projetait point d’ombre sur le sol, et si droite qu’elle eût le fait le désespoir d’un scribe de la lettre aleph, et si flexible qu’elle eût fait sécher de dépit l’arbre bân, et si tendre qu’elle eût fait fondre de jalousie une motte de beurre fin, et si souple qu’elle eût fait s’enfuir de honte le jeune paon, et si onduleuse qu’elle eût fait dépérir la tige du bambou. Et moi, voyant que je n’arrivais guère à trouver ce qu’il fallait, je fus bien perplexe et ne sus comment m’excuser. Mais elle me dit : « Apparemment, je dois être contrefaite, avec une double bosse par derrière et une double bosse par devant, avec un ventre d’une forme ignoble et un dos de dromadaire. » Et moi je m’écriai : « Le nom d’Allah sur toi et autour de toi et sur ta taille et sur ce qui la précède et sur ce qui l’accompagne et sur ce qui la suit, ô ma maîtresse ! » Et elle me dit :