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les mille nuits et une nuit

marché aussi singulier qu’avantageux ! » Et je n’hésitai pas à donner mon consentement.

Alors la jeune fille, ô mon seigneur, s’avança vers moi et, relevant son petit voile de visage, elle prit un baiser de ma joue — puisse-t-il lui avoir été délicieux ! — mais, en même temps, comme si elle eût été mise en appétit d’avoir ainsi goûté à ma peau, elle enfonça dans ma chair ses dents de jeune tigresse et me fit une morsure dont je porte encore la trace. Puis elle s’éloigna en riant d’un rire satisfait, tandis que j’essuyais le sang qui coulait de ma joue. Et je pensai : « Ton cas, ô un tel, est un surprenant cas ! Et tu vas bientôt voir toutes les femmes du souk venir te demander, qui un échantillon de ta joue, qui un échantillon de ton menton, qui un échantillon de ce que tu sais, et peut-être vaut-il mieux, dans ce cas, écouler tes marchandises pour ne plus vendre que des morceaux de toi-même ! »

Et, le soir venu, moitié riant, moitié furieux, je retournai vers la vieille dame qui m’attendait comme à l’ordinaire, au coin de notre rue, et qui, après m’avoir mis un bandeau sur les yeux, me conduisit au palais de mon épouse. Et, le long de la route, je l’entendais qui grommelait entre ses dents des paroles confuses qui me semblaient bien être des menaces, mais je pensai : « Les vieilles femmes sont des personnes qui aiment à bougonner et passent leurs vieux jours décrépits à murmurer contre tout et à radoter ! »

Or, en entrant chez mon épouse, je la trouvai assise dans la salle de réception, les sourcils contractés, et vêtue des pieds à la tête de couleur rouge