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les mille nuits et une nuit

dit : « Ô mon maître, pour combien cette étoffe ? » Je répondis : « Pour cinq cents dinars. » Et elle tira aussitôt sa bourse et me compta les cinq cents dinars d’or ; puis elle prit la pièce d’étoffe et s’en alla en sa voie. Et moi, ô notre maître le sultan, je lui vendis de la sorte pour cette somme une marchandise qui ne m’avait coûté que cent cinquante dinars. Et je remerciai le Rétributeur pour Ses bienfaits.

Or, le lendemain, la vieille dame revint me trouver, et me demanda une autre pièce, et me la paya également cinq cents dinars, et s’en alla avec son marché et sa démarche. Et, de nouveau, elle revint le jour suivant m’acheter une autre pièce d’étoffe indienne qu’elle paya comptant ; et, ô mon seigneur le sultan, elle agit de la sorte pendant quinze jours successifs, acheta et paya avec la même régularité. Et, le seizième jour, je la vis arriver comme à l’ordinaire et choisir une nouvelle pièce. Et elle se disposait à me payer, quand elle s’aperçut qu’elle avait oublié sa bourse, et me dit : « Ya Khawaga, j’ai dû laisser ma bourse à la maison. » Et je répondis : « Ya setti, rien ne presse. Si tu veux me rapporter demain l’argent, tu seras la bienvenue ; sinon, tu seras encore la bienvenue ! » Mais elle se récria, disant qu’elle ne consentirait jamais à prendre une marchandise qu’elle n’avait pas payée, et moi, de mon côté, je lui dis à plusieurs reprises : « Tu peux l’emporter, à cause de l’amitié, et par sympathie pour ta tête ! » Et un débat de mutuelle générosité s’éleva entre nous, elle refusant et moi voulant donner. Car, ô mon seigneur, il était convenable qu’ayant fait tant de bénéfices sur elle, j’agisse si poliment vis-à--