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les mille nuits et une nuit

Or, à partir du moment où je pénétrai auprès de mon épouse, qui m’attendait toute prête dans son lit, j’ignore, ô mon frère, ce qui m’est arrivé. Tout ce que je sais, c’est que je vis soudain ma chambre et mon palais fondre comme dans les rêves, et je me vis couché en plein air au milieu de la maison en ruines, où j’avais conduit le singe lors de son acquisition. Et j’étais dépouillé de mes riches vêtements et à moitié nu sous les haillons de mon ancienne misère. Et je reconnus ma vieille tunique rapiécetée de morceaux de toile de toutes les couleurs, et mon bâton de derviche mendiant, et mon turban plein de trous comme un crible de grainetier.

À cette vue, ô mon frère, je ne sus trop tout ce que cela signifiait, et je me demandai : « Ya Mahmoud, es-tu à l’état de veille ou de sommeil ? Rêves-tu ou es-tu réellement Mahmoud le derviche mendiant ? » Et, ayant achevé de recouvrer mes sens, je me levai et me secouai, comme je l’avais vu faire au singe, autrefois. Mais je restai tel que j’étais, un pauvre fils de pauvre, et rien de plus.

Alors, l’âme en détresse et l’esprit en mauvais état, je me mis à errer sans trop savoir où, en pensant à l’inconcevable fatalité qui m’avait mis dans cette posture. Et, errant de la sorte, j’arrivai dans une rue peu fréquentée où je vis, assis par terre sur un petit tapis, et tenant devant lui une petite natte couverte de papiers écrits et de divers objets divinatoires, un Maghrébin du Barbar.

Et moi, heureux de cette rencontre, je m’approchai du Maghrébin, dans le but de me faire tirer