Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de l’adultérin… (le singe…)
129

rentrée que je n’avais pu satisfaire sur les friandises du souk, et qu’il m’était désormais impossible d’apaiser, puisque l’acquisition du singe m’avait tout enlevé. Et mon embarras, déjà extrême, se doublait maintenant du souci de nourrir mon compagnon, mon futur gagne-pain. Et déjà je commençais à regretter mon achat, quand soudain je vis mon singe se secouer, en faisant plusieurs mouvements singuliers. Et, au même moment, sans que j’eusse le temps de bien me rendre compte de la chose, je vis, à la place du hideux animal au derrière luisant, un jouvenceau comme la lune à son quatorzième jour. Et de ma vie je n’avais vu une créature qui pût lui être comparée en beauté, en grâces et en élégance. Et, debout dans une attitude charmante, il s’adressa à moi d’une voix douce comme le sucre, disant : « Mahmoud, tu viens de dépenser, pour m’acheter, les cinq drachmes d’argent qui étaient tout ton capital et toute ta fortune, et, dans cet instant même, tu ne sais comment faire pour te procurer quelque nourriture qui puisse nous suffire, à moi et à toi ! » Et je répondis : « Par Allah, tu dis vrai, ô jouvenceau ! Mais comment tout ça ? Et qui es-tu ? Et d’où viens-tu ? Et que veux-tu ? » Et il me dit, en souriant : « Mahmoud, ne me fais pas de questions. Mais prends plutôt ce dinar d’or, et achète tout ce qui est nécessaire pour nous régaler. Et sache, Mahmoud, que ta destinée est, en effet, comme tu l’as pensé, attachée à mon cou, et que je viens à toi porteur de la bonne fortune et du bonheur ! » Puis il ajouta : « Mais hâte-toi, Mahmoud, d’aller nous acheter de quoi manger, car nous sommes bien affamés, moi et