Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 13, trad Mardrus, 1903.djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
les mille nuits et une nuit

Or, à ce moment précis, le sultan Mahmoud, revenant de la chasse, rentrait dans son palais. Et il aperçut le derviche appuyé sur son bâton, ne voyant point ce qui l’entourait et le regard perdu dans la contemplation des choses lointaines. Et il fut frappé de la tournure noble de ce derviche et de son attitude distinguée et de son air détaché. Et il se dit : « Par Allah, voilà le premier derviche qui ne tende pas la main sur le passage des riches seigneurs ! Sans aucun doute son histoire doit être une singulière histoire ! » Et il dépêcha vers lui un des seigneurs de sa suite, pour l’inviter à entrer au palais, parce qu’il désirait l’entretenir. Et le derviche ne put faire autrement que d’obéir à la prière du sultan. Et ce fut pour lui le second tournant de la destinée.

Et le sultan Mahmoud, après s’être un peu reposé des fatigues de la chasse, fit entrer le derviche en sa présence, et le reçut avec affabilité, et le questionna avec bonté sur son état, lui disant : « La bienvenue sur toi, ô vénérable derviche d’Allah ! À en juger par ton air, tu dois être un fils des nobles Arabes du Hedjaz ou de l’Yémen ! » Et le derviche répondit : « Allah seul est noble, ô monseigneur ! Moi, je ne suis qu’un pauvre homme, un mendiant. » Et sultan Mahmoud reprit : « Il n’y a point d’inconvénient ! Mais quel est le motif de ta venue dans ce pays et de ta présence sous les murs de ce palais, ô derviche ? Ce doit être, certainement, une étonnante histoire ! » Et il ajouta : « Par Allah sur toi, ô derviche béni, raconte-moi ton histoire, sans m’en rien cacher ! » Et le derviche, à ces paroles du sultan, ne put s’empêcher de laisser tomber une larme de ses