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histoire compliquée de l’adultérin…
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— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.

Et sa sœur, la petite Doniazade, qui, de jour en jour et de nuit en nuit, se faisait plus jolie et plus développée et plus compréhensive et plus attentive et plus silencieuse, se leva à demi du tapis où elle était blottie, et lui dit : « Ô ma sœur, que tes paroles sont douces et savoureuses et réjouissantes et délectables ! » Et Schahrazade lui sourit, l’embrassa et lui dit : « Oui, mais qu’est cela comparé à ce que je vais raconter la nuit prochaine, si toutefois veut bien me le permettre notre maître le Roi ! » Et le sultan Schahriar dit : « Ô Schahrazade, n’en doute pas ! Tu peux, certes ! nous dire demain la suite de cette histoire prodigieuse qui ne fait qu’à peine commencer. Et tu peux, si tu n’es pas fatiguée, la continuer cette nuit même, tant je désire savoir ce qui va arriver à l’ancien sultan, ce fils adultérin ! Qu’Allah maudisse les femmes exécrables ! Toutefois je dois avouer qu’ici l’épouse du sultan, mère de l’adultérin, n’a forniqué avec le cuisinier que dans un but excellent, et non pour satisfaire les sollicitations de son intérieur. Qu’Allah étende sur elle Sa miséricorde ! Mais pour ce qui est de la maudite, de la dévergondée, de la fille de chien qui a fait ce qu’elle a fait avec le nègre Massâoud, ce n’était point pour assurer le trône à mes descendants, la maudite ! Puisse Allah ne l’avoir jamais en Sa compassion ! » Et le roi Schahriar, ayant ainsi parlé, en fronçant terriblement les sourcils et en regardant avec des yeux blancs et de côté, ajouta : « Quant à toi, Schahrazade, je commence à croire que peut-être tu n’es pas comme toutes ces éhontées dont j’ai fait trancher la tête ! » Et Schahrazade s’inclina devant le Roi farouche, et dit : « Qu’Allah prolonge la vie de notre maître, et m’accorde de vivre jusqu’à demain pour te raconter ce qu’il advint de l’Adultérin sympathique ! » Et, ayant ainsi parlé, elle se tut.