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les mille nuits et une nuit

regardèrent, en se disant avec les yeux : « Quelle générosité ! Nous n’avons jamais entendu dire qu’un roi ait été aussi munificent que ce roi, et aussi sagace ! Mais, par Allah ! nous ne sommes pas généalogistes pour rien. Et notre heure viendra, en se pressant ou sans se presser. »

Mais pour ce qui est du sultan, l’occasion qu’il désirait ne tarda pas à s’offrir. En effet, un roi voisin lui envoya des présents fort rares, parmi lesquels se trouvait une pierre précieuse d’une merveilleuse beauté, blanche et transparente, et d’une eau plus pure que l’œil du coq. Et le sultan, se rappelant les paroles du généalogiste lapidaire, l’envoya chercher, et, après qu’il lui eut montré la pierre, il lui demanda de l’examiner et de lui dire ce qu’il en pensait. Mais le généalogiste lapidaire répondit : « Par la vie de notre maître le roi, je n’ai guère besoin d’examiner cette pierre sous toutes ses faces, soit par transparence soit par réflexion, ni de la prendre dans ma main, ni même de la regarder. Car, pour en juger la valeur et la beauté, je n’ai besoin que de la toucher du bout du petit doigt de ma main gauche, en tenant les yeux fermés ! »

Et le roi, encore plus étonné que la première fois, se dit : « Voici enfin le moment où nous allons pouvoir faire la mesure de ses prétentions ! » Et il présenta la pierre au généalogiste lapidaire qui, les yeux fermés, tendit le petit doigt et l’effleura. Et aussitôt il recula vivement, et secoua sa main comme si elle avait été mordue ou brûlée, et dit : « Ô mon seigneur, cette pierre n’est d’aucune valeur, car, non seulement elle n’est pas de la race pure des pierres pré-