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histoire compliquée de l’adultérin…
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querelliez-vous sans vergogne sous les murs du palais de votre roi ? » Et ils répondirent : « Ô roi du temps, nous sommes des maîtres en notre art. Et chacun de nous exerce une profession différente. Quant à la cause de notre altercation — que notre maître nous pardonne ! — c’était précisément notre art. Car nous discutions sur l’excellence de nos professions, et, comme nous possédons notre art à la perfection, chacun de nous prétendait être supérieur aux deux autres. Et, d’un mot à un autre mot, nous nous étions laissé envahir par la colère ; et de là aux invectives et aux grossièretés la distance a été vite parcourue. Et c’est ainsi que, oublieux de la présence de notre maître le sultan, nous nous sommes mutuellement traités d’enculés et de fils de putain et d’avaleurs de zebb ! Éloigné soit le Malin ! La colère est mauvaise conseillère, ô notre maître, et elle fait perdre aux gens bien élevés le sentiment de leur dignité ! Quelle honte sur notre tête ! Nous méritons, sans conteste, d’être traités sans clémence par notre maître le sultan ! » Et le sultan leur demanda : « Quelles sont donc vos professions ? » Et le premier des trois amis embrassa la terre entre les mains du sultan et, s’étant relevé, il dit : « Pour moi, ô mon seigneur, je suis généalogiste en pierres fines, et on reconnaît assez généralement que je suis un savant doué du talent le plus distingué dans la science des généalogies lapidaires ! » Et le sultan, fort étonné, lui dit : « Par Allah ! tu as plutôt, à en juger par ton regard de travers, l’air d’un gredin que d’un savant. Et ce serait la première fois que je verrais réunies, dans le même homme, la science et la diablerie !