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histoire de kamar et de l’experte halima
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sur une jument au front étoilé, dont la bride était tenue par deux jeunes négresses, une dame parée de tant de jeunesse et de tant de beauté que sa vue acheva de me disloquer la raison, et que j’en perdis la respiration et faillis tomber sur le dos, derrière le sac des fèves, ô mon maître ! Et elle était d’autant plus éblouissante que ses vêtements étaient semés de pierreries, et que ses cheveux, son cou, ses poignets et ses chevilles disparaissaient sous l’éclat des diamants et sous les colliers et les bracelets de perles et de gemmes précieuses. Et à sa droite marchait une esclave qui tenait à la main un sabre nu dont la poignée était faite d’une seule émeraude. Et la jument qui la portait s’avançait comme une reine fière de la couronne qu’elle porte sur la tête. Et la vision de splendeur s’éloigna, en cadence, me laissant un cœur poignardé par la passion, une âme à jamais réduite en esclavage, et des yeux qui se souviennent et disent à toute beauté : « Qu’es-tu en comparaison ? »

« Lorsque le cortège fut tout à fait hors de vue, et que la musique des joueuses d’instruments ne parvint plus qu’en sons lointains jusqu’à moi, je me décidai à sortir de derrière le sac de fèves, et de la boutique dans la rue. Et bien m’en prit, car au même moment, à ma surprise extrême, je vis les souks s’animer et tous les marchands sortir comme de dessous terre, pour venir reprendre leurs places respectives à leurs étalages, et le propriétaire de la boutique où je m’étais caché, le grainetier, apparaître, surgi de je ne sais où, et s’occuper de vendre ses grains aux nourrisseurs de volailles et autres acheteurs. Et