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les mille nuits et une nuit

choses étonnantes dont j’étais le seul témoin, je ne doutai pas que je ne fusse là dans une ville ensorcelée, et que le concert que j’entendais ne fût donné par les éfrits et les genn malfaisants — qu’Allah les confonde ! Et, pris d’une peur affreuse, je me précipitai tout au fond d’un magasin de grainetier, et je me cachai derrière un sac de fèves. Mais comme de ma nature, ô mon maître, j’étais sous la domination du vice de la curiosité — qu’Allah me pardonne ! — je me plaçai tout de même de façon à pouvoir regarder dans la rue, de derrière mon sac, et voir sans être vu. Et j’avais à peine fini de me tasser dans la position la moins fatigante, que je vis s’avancer dans la rue un cortège éblouissant, non pas de genn ou d’éfrits, mais certainement de hourias du Paradis. Elles étaient là quarante adolescentes, au visage de lune, qui s’avançaient dans leur beauté sans voile, sur deux rangs, d’un pas qui à lui seul était une musique. Et elles étaient précédées d’un groupe de joueuses d’instruments et de danseuses qui rythmaient sur la musique leurs mouvements d’oiseaux. Car oiseaux elles étaient, en toute vérité, et plus blanches que les colombes et plus légères, certainement. Car les filles des hommes pouvaient-elles être si harmonieuses et aériennes ? Et n’étaient-elles pas plutôt quelques variétés venues du palais d’Iram-aux-Colonnes, ou des jardins d’Éden, pour enchanter de leur séjour la terre ?

« Quoi qu’il en soit, ô mon maître, leur dernier couple avait à peine dépassé la boutique, où j’étais caché derrière le sac de fèves, que je vis s’avancer,