Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire de kamar et de l’experte halima
69

toutes ces marchandises ! » Mais, comme une grande faim me torturait l’intérieur, je ne m’attardai pas longtemps en ces réflexions et, avisant le plus bel étalage de pâtissier, j’en mangeai ce qui était ma chance et la satisfaction de mon désir sur les pâtisseries. Après quoi, je me dirigeai vers l’étalage d’un rôtisseur, et je mangeai deux ou trois ou quatre brochettes d’agneau gras, et un ou deux poulets rôtis tout chauds encore du four, avec quelques galettes soufflées, comme de ma vie de derviche pèlerin ma langue n’en avait goûté ni n’en avaient mes narines senti ; et je remerciai Allah pour Ses dons sur la tête de Ses pauvres. Puis je montai dans la boutique d’un marchand de sorbets, et je bus une ou deux gargoulettes d’un sorbet parfumé au nadd et au benjoin, de quoi seulement apaiser les sollicitations premières de mon gosier depuis si longtemps déshabitué des boissons des riches citadins. Et je rendis grâces au Bienfaiteur qui n’oublie pas Ses Croyants et leur donne sur terre un avant-goût de la fontaine Salsabil.

« Lorsque j’eus ainsi mis quelque tranquillité dans mon intérieur, je me remis à réfléchir sur l’étrange situation de cette ville qui, à n’en pas douter, ne devait avoir été que d’il y a quelques instants à peine abandonnée par ses habitants. Et ma perplexité augmentait avec mes réflexions ; et je commençai à avoir grand peur de l’écho de mes pas dans cette solitude, quand j’entendis résonner un bruit d’instruments de musique qui, à bien l’écouter, s’avançait précisément de mon côté.

« Alors moi, l’esprit un peu troublé par les