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histoire de kamar et de l’experte halima
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invoquant le nom d’Allah, se mit dans l’attitude de la prière, et n’en sortit que pour réciter tout le « chapitre de la Vache », qu’il fit suivre du chapitre de « la Table » et de celui de « l’Immunité ». Après quoi il formula le « Bismillah » et toucha aux aliments servis dans le plateau, mais avec discrétion et dignité. Et il remercia Allah pour ses bienfaits.

Lorsque le marchand Abd el-Rahmân eut appris par la négresse que le derviche avait terminé son repas, il se dit : « C’est le moment d’éclaircir l’affaire ! » Et il se tourna vers son fils et lui dit : « Ô Kamar, va trouver notre hôte le derviche, et demande-lui s’il a tout ce qu’il lui faut, et entretiens-toi quelque temps avec lui, car les paroles des derviches qui parcourent la terre en large et en long, sont souvent agréables à écouter, et leurs histoires profitables à l’esprit de l’écouteur. Assieds-toi donc tout près de lui, et s’il te prend la main, ne la lui retire pas, car celui qui enseigne aime sentir entre lui et son disciple un lien direct, qui aide à mieux transmettre l’enseignement. Et, en toutes choses, aie pour lui les égards et l’obéissance que t’imposent sa qualité d’hôte et son grand âge ! » Et, ayant ainsi prêché son fils, il l’envoya près du derviche, et se hâta d’aller se poster à l’étage supérieur, à un en- droit d’où il pouvait, sans être remarqué, tout voir et tout écouter dans la salle où se tenait le derviche.

Or, dès que sur le seuil apparut le bel adolescent, le derviche fut en proie à une telle émotion que les larmes lui jaillirent des yeux et qu’il se prit à soupirer comme une mère qui a perdu et retrouvé son enfant. Et Kamar s’approcha de lui et, d’une voix