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les mille nuits et une nuit

fermions notre boutique et nous en allions en notre voie ! » Et, parlant ainsi, il se tint debout sur ses deux pieds, et se mit en devoir de fermer les deux battants. Alors le derviche fut bien obligé de se lever du banc sur lequel il s’était cloué, et descendit dans la rue, mais sans pouvoir détacher un instant ses regards du jeune Kamar. Et lorsque le marchand et son fils, après avoir fermé la boutique, eurent fendu la foule et se furent dirigés du côté de la sortie, il les suivit hors du souk et marcha, ses pieds derrière les leurs, et son bâton rythmant ses pas, jusqu’à la porte de leur maison. Et le marchand, voyant la ténacité du derviche et n’osant pas l’injurier, par respect pour la religion, et à cause aussi des gens qui les regardaient, se tourna vers lui et lui demanda : « Que veux-tu, ô derviche ? » Il répondit : » Ô mon maître, je désire fort être ton invité, cette nuit, et tu sais que l’invité est l’hôte d’Allah — qu’Il soit exalté ! » Et le père de Kamar dit : « Bienvenu soit l’hôte d’Allah ! Entre donc, ô derviche ! » Mais il se dit, à part lui : « Par Allah ! je vais bien voir ce qu’il en est. Si ce derviche est mal intentionné au sujet de mon fils, et si son mauvais destin le pousse à tenter quelque chose, en gestes ou en paroles, pour sûr je le tuerai et l’enterrerai dans le jardin, en crachant sur sa tombe ! Quoi qu’il en soit, je vais commencer par lui faire donner à manger, ce qui est la chance de tout hôte trouvé sur la voie d’Allah ! » Et il l’introduisit dans la maison et lui fit porter par la négresse l’aiguière et le bassin pour les ablutions, et de quoi manger et boire. Et le derviche, une fois ses ablutions faites en