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les mille nuits et une nuit

« Je vois le rameau de l’arbre bân qui se balance sur une tige de safrân, où luit la lune de Ramadân.

Et je lui demande : « Quel est ton nom ? quel est ton nom ? » Il me répond : « Lou-lou ! » Et je m’écrie : « Li ! li ! » Mais il me dit : « La ! la ! »[1]

Après quoi le vieux derviche, tout en se caressant la barbe, qu’il avait longue et blanche, s’approcha de la devanture, entre les rangs des assistants qui se rangeaient sur son passage, par respect pour son grand âge. Et il regarda le jeune garçon avec des yeux pleins de larmes et lui offrit une branche de basilic doux. Puis il s’assit sur le banc de la devanture, à la place la plus proche du jeune garçon. Et l’on pouvait en toute conscience, le voyant dans un tel état, lui appliquer ces paroles du poète :

Tandis que le garçon au beau visage se tenait dans la place, et que son beau visage était la lune apparue aux jeûneurs de Ramadân.

Eh là, voyez ! À pas lents s’avance un cheikh d’aspect vénérable et ascétique.

Longuement il étudia l’amour, le travaillant de nuit et de jour ; et il acquit un singulier savoir dans le licite et l’illicite.

Il cultiva à la fois jouvenceaux et jouvencelles, qui le rendirent plus maigre qu’un cure-dent. Vieux os sous une vieille peau !

Cheikh pédéraste comme un Maghrébin, toujours suivi par son mignon ;

  1. En d’autres termes : Je demande : « Quel est ton nom ? » Il me répond : « Perle ! » Je m’écrie : « À moi ! À moi ! » Mais il me dit : « Ah ! mais non ! »