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les mille nuits et une nuit

tu ? Est-il une fille ou un garçon, dis-le-moi ! » Et le marchand Abd el-Rahmân, extrêmement étonné, lui répondit : « Un garçon ! » Elle dit : « Dans ce cas, pourquoi t’obstines-tu à le tenir caché, comme une fille, aux yeux de tout le monde, et ne le mènes-tu avec toi au souk, et ne le fais-tu asseoir près de toi dans la boutique, pour qu’il fasse la connaissance du monde et que le monde le connaisse et sache au moins, de la sorte, que tu as un fils capable de te succéder et de mener à bien les affaires de la vente et de l’achat ? Sinon, après la longue vie (puisse Allah te l’octroyer sans fin !), nul ne se sera douté de l’existence de ton héritier, qui aura beau dire aux gens : « Je suis le fils du marchand Abd el-Rahmân ! » ; il ne s’entendra répondre qu’avec une incrédulité indignée, et à bon droit : « Nous ne t’avons jamais vu ! Et nous n’avons jamais entendu dire que le marchand Abd el-Rahmân ait laissé de fils ou quelque chose qui, de loin ou de près, ait ressemblé à un fils ! » Et alors, ô calamité sur notre tête ! le gouvernement viendra mettre la main sur tes biens et frustrera ton fils de son dû ! » Et, ayant ainsi parlé avec beaucoup d’animation, elle continua sur le même ton : « Et de même pour notre fille Étoile-du-Matin ! Je voudrais la faire connaître à nos relations, dans l’espoir qu’elle sera demandée en mariage par la mère de quelque jeune homme de sa condition, et que nous puissions, à notre tour, nous réjouir de ses noces ! Car le monde, ô père de Kamar, est fait de vie et de mort, et nous ignorons le jour de notre destin ! »

À ces paroles de son épouse, le marchand Abd