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les mille nuits et une nuit

par la bride, s’avança jusqu’au cheikh et lui dit : « Le salam sur toi, ô saint homme ! » Et le vieillard lui rendit son salam, mais d’une voix si étouffée par l’épaisseur de ses moustaches et de sa barbe que le prince Farid ne put percevoir que des paroles inintelligibles.

Alors le prince Farid, qui ne s’était arrêté que pour avoir des éclaircissements au sujet de ce qu’il venait chercher si loin de son pays, se dit : « Il faudra bien qu’il se fasse entendre ! » Et il tira des ciseaux de sa besace de voyage, et dit au cheikh : « Ô vénérable oncle, permets-moi de te donner les quelques soins dont tu n’as pas le temps de t’occuper toi-même, plongé que tu es sans cesse dans les pensées de sainteté ! » Et, comme le vieux cheikh n’opposait ni refus ni résistance, Farid se mit à couper, à tailler et à rogner à même la barbe, les moustaches, les sourcils, les cheveux et les ongles, tant et tant que le cheikh en sortit rajeuni de vingt ans, pour le moins. Et, ayant rendu ce service au vieillard, il lui dit, selon la coutume des barbiers : « Que cela te soit un rafraîchissement et un délice ! »

Lorsque le vieux cheikh se sentit de la sorte allégé de tout ce qui lui encombrait le corps, il se montra satisfait à l’extrême, et sourit au voyageur. Puis il lui dit, d’une voix devenue plus claire que celle d’un enfant : « Qu’Allah fasse descendre sur toi ses bénédictions, ô mon fils, pour le bienfait que te doit le vieillard ancien que je suis. Mais aussi, qui que tu sois, ô voyageur de bien, je suis prêt à t’aider de mes conseils et de mon expérience ! » Et Farid