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farizade au sourire de rose
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que je suis toujours en vie et plein de santé ; mais si tu la vois terne ou rouillée, tu sauras qu’un grave accident m’est arrivé ou que je suis réduit en captivité ; et si tu vois qu’il en dégoutte du sang, tu auras la certitude que je ne suis plus au nombre des vivants ! Et, dans ce cas, toi et mon frère, vous appellerez sur moi la compassion du Très-Haut ! » Il dit, et, sans vouloir rien entendre, il partit au galop de son cheval sur la route qui conduisait vers l’Inde.

Et il voyagea pendant vingt jours et vingt nuits, dans les solitudes où il n’y avait, pour toute présence, que celle de l’herbe verte et celle d’Allah. Et le vingtième jour de son voyage il arriva à une prairie, au pied d’une montagne. Et dans cette prairie il y avait un arbre. Et sous l’arbre était assis un très vieux cheikh. Et le visage de ce très vieux cheikh disparaissait en entier sous ses longs cheveux, sous les touffes de ses sourcils, et sous les poils d’une barbe qui était prodigieuse, et blanche comme la laine nouvellement cardée. Et ses bras et ses jambes étaient d’une maigreur extrême. Et ses mains et ses pieds se terminaient par des ongles d’une longueur extraordinaire. Et il égrenait de la main gauche un chapelet, tandis qu’il tenait la main droite immobile à la hauteur de son front, avec l’index levé, selon le rite, pour attester l’Unité du Très-Haut. Et c’était, à n’en pas douter, un vieil ascète retiré du monde, qui sait depuis quels temps inconnus ?

Et comme c’était précisément le premier homme qu’il rencontrait, en ce vingtième jour de son voyage, le prince Farid mit pied à terre et, tenant son cheval