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les mille nuits et une nuit

veau, fils de ta jument, et de rendre à ton plaignant ce qui lui appartient, je veux également vous rendre tous deux témoins d’un autre effet de la toute-puissance du Très-Haut ! »

Et le vizir ordonna qu’on lui apportât une souris et un gros sac de blé. Et il dit aux deux plaideurs : « Regardez attentivement ce qui va arriver, et ne prononcez plus un mot ! » Puis il se tourna vers le second plaideur et lui dit : « Toi, ô maître du veau fils de la jument, prends ce sac de blé et charge-le sur le dos de cette souris ! » Et l’homme s’écria : « Ô mon seigneur, comment pourrais-je faire tenir ce gros sac de blé sur cette souris sans qu’elle soit écrasée ? » Et le vizir lui dit : « Ô homme de peu de foi, comment oses-tu douter de la toute-puissance du Très-Haut qui a fait naître le veau de la jument ? » Et il ordonna aux gardes de se saisir de l’homme, à cause de son ignorance et de son impiété, et de lui appliquer la bastonnade. Et il fit rendre au premier plaideur le veau avec sa mère, et lui donna également la pouliche avec sa mère !

Et telle est, ô roi du temps, continua le cultivateur qui avait apporté le panier de fruits, l’histoire complète du pêcheur mangeur de haschisch, devenu le grand-vizir du sultan. Et ce dernier trait est pour prouver combien sa sagesse était grande, comment il savait produire la vérité par la réduction à l’absurde, et combien le sultan avait eu raison en le nommant grand-vizir et en le prenant pour commensal, et en le comblant d’honneurs et de prérogatives. Mais Allah est plus généreux et