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les mille nuits et une nuit

une corbeille sur le canal. Et elles produisirent devant tout le palais un jeune chat, en proclamant que la sultane venait d’en accoucher. Et la consternation entra dans tous les cœurs. Et le sultan, à la limite de la honte, se fût sans aucun doute laissé aller au ressentiment et à la fureur, s’il n’eût pratiqué en son âme la vertu d’humilité devant les décrets de l’insondable justice. Et la sultane fut plongée dans l’amertume et la désolation, et son cœur pleura toutes les larmes des douleurs.

Mais pour ce qui est de l’enfant, Allah, qui veille sur la destinée des petits, le mit sous le regard de l’intendant qui se promenait sur le canal. Et, comme la première fois, l’intendant le sauva des eaux, et le porta à son épouse qui l’aima comme son propre enfant, et l’éleva avec les mêmes soins que le premier.

Or, afin que les souhaits de Ses Croyants ne restent jamais inexaucés, Allah mit la fécondité dans les flancs de la sultane, qui accoucha pour la troisième fois. Mais ce fut d’une princesse. Et les deux sœurs, dont la haine, loin de s’assouvir, leur avait fait comploter la perte sans recours de leur cadette, firent subir à la fillette le même traitement. Mais elle fut recueillie par l’intendant au cœur pitoyable, comme les deux princes ses frères, avec lesquels elle fut soignée, nourrie et bien aimée.

Mais, cette fois, lorsque les deux sœurs, leur acte accompli, eurent produit, à la place de l’enfant nouveau-né, une jeune souris aveugle, le sultan, malgré toute sa magnanimité, ne put se contenir plus longtemps, et s’écria : « Allah maudit