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le diwân des facéties… (le kâdi et l’ânon)
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consentement, bien que le kâdi fût d’une grande laideur, avec des poils de barbe rudes comme les épines du hérisson, et louche d’un œil, et si vieux qu’il aurait pu passer pour être le père de la jeune fille. Mais il était riche et jouissait d’une grande considération. Et les parents de la jeune fille, ne visant qu’à l’amélioration que ce mariage devait apporter à leur état et condition, ne songèrent guère que si la richesse contribue au bonheur, elle n’en constitue pas le fond. Mais d’ailleurs c’était le kâdi qui devait bientôt en faire l’expérience à ses risques et dépens.

Il commença donc, pour tâcher de se rendre agréable malgré les désavantages attachés à sa personne de par la vieillesse et la laideur, par combler tous les jours de nouveaux présents sa jeune épouse et par satisfaire ses moindres caprices. Mais il oubliait que ni les cadeaux ni la satisfaction des caprices ne valent l’amour jeune qui éteint les désirs. Et il se plaignait en son âme de ne point trouver ce qu’il attendait de son épouse qui, d’ailleurs sans expérience, ne pouvait lui donner ce qu’elle ne connaissait pas par manque d’expérience.

Or, le kâdi avait sous sa main un jeune scribe qu’il aimait beaucoup, et dont il ne pouvait s’empêcher de parler parfois à son épouse. Et, également, il ne pouvait s’empêcher, bien que cela fût si contraire à la coutume, d’entretenir le jouvenceau de la beauté de son épouse et de l’amour qu’il éprouvait pour elle, et de la froideur de son épouse à son égard, malgré tout ce qu’il faisait pour elle. Car c’est ainsi qu’Allah aveugle la créature qui mérite la perdition ! Bien plus ! Pour que les décrets fussent