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farizade au sourire de rose
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Et effectivement les noces des trois sœurs eurent lieu le jour même, celles de la sultane avec une splendeur sans précédent, et celles de l’épouse du cuisinier et de l’épouse du pâtissier, selon les usages ordinaires des mariages du commun. Aussi la jalousie et le dépit pénétrèrent dans le cœur des deux aînées ; et, dès ce moment, elles complotèrent la perte de leur sœur cadette. Toutefois elles se gardèrent bien de rien laisser paraître de leurs sentiments, et acceptèrent avec une gratitude feinte les marques d’affection que ne cessa de leur prodiguer la sultane, leur sœur, qui les admettait, contrairement aux usages des rois, dans son intimité, malgré leur rang obscur. Et loin d’être satisfaites du bonheur qu’Allah leur octroyait, elles éprouvaient, en face du bonheur de leur cadette, les pires tortures de la haine et de l’envie.

Et neuf mois passèrent de la sorte, au bout desquels la sultane donna naissance, avec l’aide d’Allah, à un enfant princier, beau comme le croissant de la nouvelle lune. Et les deux sœurs aînées qui, à la demande de la sultane, l’assistaient dans ses couches et remplissaient le rôle de sages-femmes, loin d’être touchées par les bontés de leur cadette à leur égard et par la beauté du nouveau-né, trouvèrent enfin l’occasion qu’elles cherchaient de broyer le cœur de la jeune mère. Elles prirent donc l’enfant, pendant que la mère était encore dans les douleurs, le mirent dans une petite corbeille en osier, qu’elles cachèrent pour le moment, et le remplacèrent par un petit chien mort, qu’elles produisirent devant toutes les femmes du palais, en le donnant comme le