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le diwân des facéties… (haschisch)
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à notre généréux maître ! » Et, s’étant assis, les jambes repliées, en face du roi, il raconta :


HISTOIRE DES DEUX PRENEURS DE HASCHISCH


Sache, ô mon seigneur et la couronne sur ma tête, qu’il y avait, dans une ville d’entre les villes, un homme, pêcheur de son métier, et preneur de haschisch de son occupation. Or, lorsqu’il avait réalisé le produit d’une journée de travail, il mangeait une partie de son gain en provisions de bouche, et le reste en cette herbe hilarante dont l’extrait est le haschisch. Et il prenait trois prises de haschisch par jour : une qu’il avalait à jeun, le matin, une à midi et une au coucher du soleil. Et de la sorte il passait sa vie dans la gaieté et dans l’extravagance. Et cela ne l’empêchait pas de vaquer à son travail, qui était la pêche ; mais souvent il le faisait d’une manière bien singulière. Ainsi ! Un soir, ayant pris une dose de haschisch plus forte que d’habitude, il commença par allumer une chandelle de suif, et s’assit devant elle et se mit à se parler à lui-même, faisant les questions et les réponses, et jouissant de toutes les délices du rêve et du plaisir tranquille. Et il resta longtemps ainsi, et ne fut tiré de sa rêverie merveilleuse que par la fraîcheur de la nuit et la clarté de la lune dans son plein. Et il dit alors, se parlant à lui-même : « Ho, un tel, regarde ! la rue