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le diwân des facéties… (l’invitation…)
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plus fort le cou et dit : « Comment ! ô mon frère, n’aperçois-tu donc pas ce que j’aperçois, alors qu’Allah t’a mis au-dessus de ton honorable nez deux yeux perçants bien qu’un peu louches — soit dit sans t’offenser ! » Et le Renard demanda avec inquiétude : « Mais enfin qu’aperçois-tu, dis-le-moi, de grâce ! Car moi j’ai un peu mal aux yeux aujourd’hui, bien que je ne me sache pas louche en aucun degré — soit dit sans te contrarier ! » Et le Coq Voix-de-l’Aurore dit : « En vérité, je vois un nuage de poussière s’élevant, et dans l’air une bande de faucons de chasse en cercle tournoyant ! » Et le Renard, à ces paroles, commença à trembler et demanda, à la limite de l’anxiété : « Est-ce là tout ce que tu aperçois, ô visage de bon augure ? Et sur le sol ne vois-tu rien courir ? » Et le Coq fixa longuement son regard sur l’horizon, en imprimant à sa tête un mouvement de droite et de gauche, et finit par dire : « Oui ! je vois quelque chose qui court à quatre jambes sur le sol, haut sur pattes, long, mince, avec une tête fine et pointue et de longues oreilles rabattues. Et ce quelque chose-là s’approche rapidement de notre côté ! » Et le Renard, tremblant de tous ses membres, demanda ; « N’est-ce point un chien lévrier que tu vois, ô mon frère ? Qu’Allah nous protège ! » Et le Coq dit : « Je ne sais si c’est un lévrier, car je n’en ai pas encore vu de cette espèce, et Allah seul le sait ! Mais je crois bien, en tout cas, que c’est un chien, ô beau visage ! »

Lorsque le Renard eut entendu ces mots, il s’écria : « Je suis obligé, ô mon frère, de prendre congé de