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le diwân des facéties… (les babouches…)
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Alors, à la limite de la perplexité, il se rendit à sa maison et, montant sur sa terrasse, il s’accouda et se mit à réfléchir profondément sur ce qui lui restait à faire. Et il avait déposé les babouches non loin de lui, sur la terrasse ; mais il leur tournait le dos, afin de ne pas les voir. Et, précisément à ce moment, un chien des voisins aperçut les babouches, et, s’élançant de la terrasse de ses maîtres sur celle d’Abou-Cassem, il prit dans sa gueule une des babouches, et se mit à en jouer. Et, dans ce jeu du chien avec la babouche, celle-ci fut soudain lancée au loin ; et le destin funeste la fit tomber de la terrasse sur la tête d’une vieille qui passait dans la rue. Et le poids formidable de la babouche bardée de fer écrasa la vieille, en faisant entrer sa longueur dans sa largeur. Et les parents de la vieille reconnurent la babouche d’Abou-Cassem, et allèrent porter plainte au kâdi, en réclamant le prix du sang de leur parente, ou la mort d’Abou-Cassem. Et l’infortuné fut obligé de payer le prix du sang, selon la loi. Et, en outre, pour échapper à la prison, il dut payer de gros bakchiches aux gardes et aux officiers de police.

Mais, cette fois, sa résolution était arrêtée. Il retourna donc à sa maison, prit les deux babouches fatales, et, revenant chez le kâdi, il éleva les deux babouches au-dessus de sa tête, et s’écria avec une véhémence qui fit rire le kâdi, les témoins et tous les assistants : « Ô seigneur kâdi, voilà la cause de mes tribulations ! Et bientôt je vais être réduit à mendier dans la cour des mosquées. Je te supplie donc de daigner rendre un arrêt qui déclare qu’Abou-Cassem n’est plus le propriétaire des babouches,