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les mille nuits et une nuit

et, après bien des dangers et des fatigues, il arriva, grâce à la sécurité que lui écrivit Allah, dans la ville du forgeron. Et il alla aussitôt au souk des forgerons et se présenta à celui dont tous les passants lui avaient indiqué la boutique. Et, après avoir baisé le pan de sa robe, il se tint debout devant lui dans l’attitude de la déférence. Et le forgeron, qui était un homme d’âge, au visage marqué par la bénédiction, lui demanda : « Que désires-tu, mon fils ? » Il répondit : « Apprendre la science ! » Et le forgeron, pour toute réponse, lui mit entre les mains la corde du soufflet de forge et lui dit de tirer. Et le nouveau disciple répondit par l’ouïe et l’obéissance, et se mit aussitôt à tirer et à relâcher la corde du soufflet, sans discontinuer, depuis le moment de son arrivée jusqu’au coucher du soleil. Et le lendemain il s’acquitta du même travail, ainsi que les jours suivants, pendant des semaines, des mois et toute une année, sans que personne dans la forge, pas plus le maître que les nombreux disciples qui avaient chacun une besogne aussi rude que lui-même, lui adressât une seule fois la parole, et sans que personne se plaignit ou seulement murmurât de ce dur travail silencieux. Et cinq années passèrent de la sorte. Et le disciple, un jour, bien timidement se hasarda à ouvrir la bouche, et dit : « Maître ! » Et le forgeron s’arrêta dans son travail. Et tous les disciples, à la limite de l’anxiété, firent de même. Et, dans le silence de la forge, il se tourna vers le jeune homme, et lui demanda : « Que veux-tu ? » Il dit : « La science ! » Et le forgeron dit : « Tire la corde ! » Et, sans un mot de plus, il reprit